dimanche 21 janvier 2018

Légendes urbaines

Mikael "Pyromago" Cheyrias

Petit recueil de rumeurs malsaines.

Cette aide de jeu pour Blackened vous présente un petit recueil de rumeurs, on-dit, ragots et autres histoires à effrayer les enfants. Ces anecdotes pourront agrémenter vos improvisations ou, avec un peu de travail, servir de base à des scénarios. Elles ne sont ni classées, ni explicitées, ni avérées… jusqu’à preuve du contraire !

Toutes les villes du monde ont leurs légendes, celle du vieux fou du bout de la rue, celle du chien enragé rôdant dans la nuit, celle du boucher peu scrupuleux vendant de la viande humaine... Autant d’histoires à dormir debout dont on aime rire à midi mais qui revêtent un tout autre aspect à la lueur de la lune, lorsque l’esprit enténébré se met à envisager « et après tout, pourquoi pas ? ». Prague est comme toutes les villes... Et l’apparition d’un Artefact extraterrestre venu d’outre-espace n’a pas exactement arrangé les choses.

« Oh… C’est pas le premier et ce sera pas le dernier ! Depuis que j’habite ici, j’ai peut-être vu une vingtaine de types se balancer du pont Charles. Et estimez-vous heureuse : c’est pas le cas souvent, mais celui-là, il avait le sourire aux lèvres en tombant. Je l’ai pas vu, mais je le tiens de source sûre. Vous voulez que je vous raconte tout ? Que je vous dise ce qui s’est passé ? C’est simple. Votre ami, il a croisé la veuve Caroline. Parfaitement. Une femme, une belle femme… sauf qu’elle est morte voilà bien un siècle. Un fantôme ? Si vous voulez. Un Autre, peut-être.
Je le sais, parce que ça se passe toujours pareil : un soir de février, un type passe par ici - difficile de faire autrement pour aller à la Malá Strana - avec un chagrin gros comme ça sur le cœur. Et voilà qu’il aperçoit, comme par hasard, une jolie donzelle, pâle comme un linge, les yeux aussi rouges que les siens, sur le point de se balancer. Pas la peine de vous faire un dessin. N’importe qui se laisserait berner. Il vient à son secours et signe son arrêt de mort par la même occasion. Dame ! Cette maladie-là, elle a pas de gestation. J’ai beau être un simple boucher du Clementinium, j’ai eu mon lot d’amourettes, comme tout le monde. Après, c’est simple. En quelques jours, la victime sombre dans le même désespoir que cette Caroline. Vous voyez… Magie noire, oui ! Et à la fin, c’est ensemble qu’ils vont se balancer.
Comment je le sais ? Foutral ! Z’êtes curieux ! Tout ce que je peux dire c’est que je suis d’un naturel chanceux et que je nage bien… Et avec ça, qu’est-ce que je vous sers ? »

« La maison du coin de la rue, oui. Aussi maudite que ce machin dans le ciel, j’vous l’dis comme je l’pense. On fait pas beaucoup attention à moi - les clochards dans mon style, vous savez… - mais je suis là depuis un moment. J’ai encore de bons yeux et de bonnes oreilles. Et je sais ce qui s’y passe, là-dedans : au bout d’un moment, on entend des voix, on voit des ombres. Puis, les murs se mettent à saigner du Fiel. Oui, du Fiel. Vous comprenez pourquoi je m’en tiens loin ? Les trois dernières familles qui s’y sont installées, vous savez pas ? tout le monde y est passé. Tous morts, entre-tués. Le plus bizarre, c’est que personne n’ait jamais songé à raser cette foutue baraque. Celui qui est chargé de la vendre - toujours le même depuis que je traîne mes guêtres ici avec mes cartons - fait comme si de rien n’était. Il attend quelques mois que l’affaire se tasse, pour faire visiter à de nouveaux futurs propriétaires. Un type effrayant. Je le vois toujours rôder dans le coin, au plus sombre de la nuit, après la mort des habitants. Il a les yeux fous et je crois l’avoir entendu appeler sa mère. Oui, oui, juste là, dans le jardin. A mon avis, il est pas blanc comme neige. Mais enfin, j’évite de raconter ça à n’importe qui. C’est un coup à se retrouver en villégiature à Vysehrad. Vous, c’est pas pareil. Je vous le dis, à vous, pour vous aider. Reprenez ces valises et foutez le camp. C’est pas un endroit pour un jeune couple. Surtout avec une si jolie gamine. »

« On ne sait pas ce qui s’est passé ce jour-là. Je crois juste qu’ils l’ont trop chambré et qu’il a craqué. C’est pas comme si c’était nouveau - il était attardé et tout le monde aimait chambrer Hambs. Cette fois, c’est simplement allé trop loin. Je me souviens, ça remonte au temps où j’étais encore étudiant au Karolinium, voilà plus de vingt ans. On l’a retrouvé pendu dans sa chambre. Elle était sens dessus dessous et les murs étaient couverts de symboles bizarres. Ça aurait pu en rester là. En fait, c’était seulement le début. Depuis, tous les ans à la même date, il se passe de vilaines choses ici. Et franchement, des pas naturelles, si vous voyez ce que je ceux dire. Un de nos anciens employés de maintenance (il a préféré démissionner) a remarqué que chaque 24 novembre à minuit, une Grande Réorganisation se produit et qu’à chaque fois, il y a un mort à Zelezna. Le 24 novembre. L’anniversaire du drame. Je sais pas comment la Garde ou les Exogènes ont pu ne rien remarquer… A se demander s’ils sont pas dans le coup. Moi, je dis ça, hein… Mais le 24 novembre, c’est quand même après-demain. »

« Ça sent mauvais, hein ? Ouais, c’est l’usine, là-bas. Tu vois la fumée grise qui sort de la cheminée ? Ils font brûler des cadavres. Oui, pourtant, c’est bien une fabrique d’outils. Mais on m’a dit - et tu le gardes pour toi - que le patron, un ponte du Consortium, avait signé une espèce de pacte avec le Cénotaphe. Le copain d’un cousin qui y travaille dit qu’il s’y passe des sales trucs, la nuit. Il entend des hurlements par-dessus le grincement des rouages, des choses comme ça. Une fois, il a vu une carriole pleine de pauvres gars - des karstiens, d’après lui -amenés direct dans les sous-sols. Tu veux que je te dise ? Je crois qu’ils ont trouvé un moyen commode pour se débarrasser de l’excédent de population du Karst. »

« Tu veux vraiment acquérir un ondulateur quantique ? Fais attention ! Récemment, un ami technicien m’a raconté un truc à glacer le sang : quelqu’un (ou quelque chose) aurait découvert le moyen de transformer certains récepteurs bas de gamme en micro, et serait capable de t’espionner avec. Apparemment, ce petit génie a déjà fait de nombreuses victimes - des femmes, pour la plupart. Il attend que tu sois seule chez toi, au plein milieu de la nuit, et il te rend une petite visite. A ce qu’on dit, on ne retrouve jamais ses proies. Et le pire, c’est qu’il ne vole rien. Juste toi ! Alors, prends le modèle supérieur : ta vie vaut bien un ticket de plus, non ? »

« Un groupe d’agitateurs rebelles aurait infiltré les réseaux de techniciens quantiques. Un gars que je connaissais, le vieux d’en face, en a fait les frais. La semaine dernière, il a vu débarquer un commando d’Exogènes chez lui. Depuis, plus de nouvelle. Il paraît qu’il a été accusé « d’utilisation d’appareil électrique ». Tu parles ! Ce petit vieux est à peine foutu de changer une roue. Tout le monde le sait, et la colère gronde. N’empêche qu’ils ont confisqué tous ses appareils quantiques. Et ils y ont trouvé quelque chose, à ce qu’il paraît. Ils comptent en faire un exemple, mais le vrai coupable, tout le monde le connaît : tu as remarqué que l’échoppe du réparateur du coin de la rue était fermée, cette semaine ? J’ai l’impression qu’il s’est offert un petit congé. »

« Un de mes cousins travaille dans la police. Il m’a raconté que suite à plusieurs raids, les services sanitaires du Bureau ont découvert des connexions entre des fermes hypogéennes illégales et la fabrique de rations Vanech. Tu sais, celle qui travaille pour le Consortium et nourrit beaucoup d’ouvriers. Autant t’accrocher : les animaux retrouvés là en bas étaient tout sauf normaux. On ne sait pas si c’étaient des Autres ou du pauvre bétail boursouflé de Noirceur, mais je serais toi, je ferais attention à l’étiquette de mon plateau repas demain à la cantine. Qui sait jusqu’où ils sont prêts à aller pour remplir nos assiettes… et leurs porte-monnaie ? »

« Pas plus tard que le mois dernier, la Garde a arrêté une femme - je te dis pas son nom, elle est de la haute ! - qui avait comme loisir de boire du sang de corrompu. Carrément. Et bien, la femme, elle s’est évadée il y a une semaine. D’après l’ami d’un ami, maton à Visehrad, il n’avait jamais vu ça en dix ans de service. Elle a comme disparu. C’en est louche au point qu’il est persuadé qu’on a fait sortir la bourgeoise par la petite porte. Et, comme par hasard, ça s’est passé le lendemain de la visite - incognito, bien sûr - d’un des pontes des brasseries Karlstein. Tu le crois, toi, que le sang vicié donne soif ? A se poser des questions. Ils nous feront même douter de la bière dans nos verres, j’te jure ! Allez, à la tienne. »

« On m’a dit qu’Ilda, la femme de l’huissier Maliev, a dû être emmenée d’urgence à l’hôpital avant-hier, victime de douleurs stomacales terribles. Les symptômes ne correspondant à rien de connu, le médecin a décidé de lui administrer un lavement. Et v’là-t’y pas qu’il découvre dans ses selles une dizaine de larves de termites grosses comme mon petit doigt ! Une enquête des services d’hygiène aurait permis de découvrir que les bestioles provenaient d’une miche de pain. La mie était infestée de minuscules œufs blancs. Le boulanger responsable est actuellement dans les geôles de l’Archonte. Impossible que « l’incident » soit totalement involontaire qu’ils disent. En tout cas, juste pendant cette pénurie de farine, c’est louche ! »

« Un bon ami à moi, travaillant pour le Bureau, m’a expliqué que le Synode venait de lancer une vaste enquête sur la corruption touchant particulièrement les milieux aisés de la Malá Strana. Leurs premières conclusions sont inquiétantes : il semblerait que certains tickets de rationnement de grande valeur véhiculent la Noirceur. Peut-être à cause de la convoitise et de la jalousie qu’ils causent. Ou du papier étrange, « infalsifiable » comme ils disent, dont ils sont faits. Qui sait ? En tout cas, depuis le récent casse à la banque Europa, une centaine d’entre eux circule dans la nature. Alors, un conseil : si un gars en vient à te proposer un gros jeton… préfère la menue monnaie. Bon, je te dis ça, mais t’inquiète pas : bien que ça me gène, tu pourras toujours dépenser tes grosses coupures ici. »

« Aussi vrai que je m’appelle Arnôst ! Ils m’ont sorti une histoire complètement farfelue : des monstres ridicules avec des noms à coucher dehors, un monde parallèle aussi sombre que ma cave… la totale ! J’ai bien vu où ils voulaient en venir. Lorsqu’ils m’ont demandé de rejoindre leur club, je les ai foutus dehors aussi sec. Encore heureux : c’était gratuit. Mais bon… Tout ça parce qu’à cause d’une mauvaise fièvre, il m’avait semblé entendre la voix de ma Gertrud pendant mon anesthésie. D’ailleurs, je sais même pas comment ils l’ont su. N’empêche que, maintenant, j’ai cette saloperie de tatouage à me faire enlever. T’as vu ça ? On dirait une toile d’araignée. Je me demande comment ils ont eu le temps de me faire ça. L’opération n’a pas duré une heure ! Et ça prend toute l’épaule. T’imagines montrer ça à la clientèle ? Je peux décemment pas servir les clients de la poissonnerie comme ça, hein ? »

« Après tout, qui sait comment elles marchent, ces foutues boules ? Tu parles d’une invention ! Le neveu de ma cousine par alliance travaille au Bureau, dans l’office des « Mme Irma », comme il dit. C’est lui qui est chargé d’huiler les mécanismes. Eh oui ! Il en faut. Bref, à nos noces, sous le coup de l’alcool, il m’a avoué que tout ça, c’était de la foutaise. Leurs soi-disant Prescients, là. En réalité, ils prennent le premier nom trouvé dans le bottin et lâchent les Exogènes dessus. Le pauvre type se retrouve alors dans une geôle, accusé de perversion. Il a droit à la torture et finit sur l’échafaud plus vite que s’il avait pissé sur le Czech. Ça fait partie du programme de dissuasion, il paraît. Et ces zozos-là, pendant tout ce temps, ils amassent le pactole en regardant leurs Orbes tourner. Ils feraient mieux de venir jouer de la pelle, comme moi. On manque de bras dans le bâtiment. »

« Depuis cette histoire d’avis de recherche, j’me méfie. T’es pas au courant ? C’était l’année dernière. Un papier affiché dans tout le quartier. Ils cherchaient un gosse, nommé Armon. Je m’en souviens bien : 7 ou 8 ans, une belle tête blonde, un front haut. Tout le quartier avait ouvert l’œil. C’est Herman, le tanneur, qui est tombé dessus, par hasard. Le gamin se cachait dans une cave. Depuis deux semaines, tout fou, se nourrissant de rats. Illico, Herman l’a ramené à ses parents. Ils étaient tout sourire, bises sur le front, petite larme, la totale, quoi ! Paraît même qu’ils ont glissé un gros ticket dans la poche du sauveur. Alors, notre tanneur, il est reparti tout fier. Pas de bol, c’était des Corrompus. Et tandis qu’on se félicitait tous de cette bonne action devant une pivo bien fraîche, eux, ils ont tué, dépecé et mangé le gosse. Il paraît que quand le Cénotaphe est venu les chercher, ils souriaient béatement. Ils venaient d’apprendre, et s’en léchaient déjà les babines, que la femme était enceinte… »

« Ça se passait dans le grand manoir, là-bas, il y a quelques années. A l’époque, la vieille Oloch y vivait seule. Une nuit, voilà qu’elle reçoit un message sur son Ondulateur : « Nous nous sommes bien amusés ce soir ». Le lendemain, même chose. Et pareil le surlendemain, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle se décide à consulter un expert. Celui-ci a retracé le signal. Et lorsqu’il est revenu pour donner la réponse à la vieille Oloch, il était armé, tu penses : les messages étaient émis à partir du manoir. Ils étaient même passés de l’Ondulateur de la vieille Oloch, pendant son sommeil, quelques minutes à peine avant qu’ils ne lui parviennent. Fouillant la baraque, le type a découvert onze corps mutilés dans la cave, et une douzième victime gravement blessée. Cette dernière, avant de caner, aurait eu le temps d’expliquer au médecin avec quelle force surhumaine cette petite vieille l’aurait agressée, alors que, l’aidant à porter ses cabas, cette bonne âme avait mis le pied chez la vieille Oloch. Et son étrange regard ! Dieu sait ce qu’il est advenu d’elle, maintenant. Je crois qu’elle est chez les fous. »

« Tu peux me croire : je tiens ça d’un ami de mon mari, qui travaille dans les inspections souterraines. Tu sais que certaines pièces des Hypogées sont équipées d’un système de nettoyage par vapeur ? Les sanitaires, les salles de quarantaine, tout ça. Eh ben, c’était le cas de ce cagibi. On ne sait pas pourquoi mais le mécanisme s’enclenchait automatiquement. Tous les soirs à la même heure, les sas se verrouillaient et l’intérieur était totalement aseptisé. Bref, voilà qu’un soir, l’équipe de surveillance y jette un œil lors de sa ronde et tombe sur une pile de corps d’hommes, plutôt jeunes et bien mis et… bouillis ! Après enquête, ils ont découvert que tous étaient venus là pour un rendez-vous galant. Tu sais pourquoi ? Une simple erreur typographique dans de l’annonce du journal. Ils se sont tous rendus un étage plus bas que prévu. La police a finalement retrouvé la jeune femme. Totalement désespérée de s’être fait poser plusieurs lapins le même jour… Pas de bol, hein ? »

« Bien mal acquis ne profite jamais. Et ça, pour l’avoir mal acquis, ils l’avaient mal acquis : deux chauffeurs molestés, balancés dans la Vltava, une carriole volée avec tous les tonneaux, ce n’est pas un mince larcin. Faut dire aussi, on rigole pas tous les jours en banlieue et la piraterie est un geste bien excusable pour ceux qui crèvent de faim. En tout cas, de la bière, y en a eu assez pour tout l’immeuble. Et évidemment, ils s’en sont mis jusque là. Panse pleine. C’est un marchand ambulant qui a trouvé tout ce beau monde à l’agonie quelques heures plus tard. Vingt-cinq personnes. Pas une n’en a réchappé. Empoisonnement sévère. Et tu sais ce qu’ont trouvé les enquêteurs ? Oui, ça venait des fûts : y’avait des cadavres dedans. Des hommes, des femmes, des enfants, des Pervertis des fois. Tous dans un état de décomposition avancée. Je ne sais pas comment ils étaient arrivés là, mais crois-moi, heureusement pour les chauffeurs que les Exogènes n’aient pu les retrouver. Enfin, quoique… : soi-disant, la cargaison était destinée à un docte du Clementinum. »

« Oui, des bananes. T’imagines le temps qu’elles mettent pour arriver jusqu’ici ? D’ailleurs, tu vois, elles sont aussi noires qu’un vieux Perverti… En tout cas, aucun doute : c’est de la contrebande pure et dure. Mais quelque chose cloche : ces bananes, elles ne sont même pas chères et la Garde ne fait rien. Pourtant, elles se voient bien sur les marchés. Je suis inquiet : ces derniers temps, on en voit de plus en plus dans les garde-manger du Karst. A mon avis, y’a anguille sous roche. Je crois que je vais avertir les Exogènes. »

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